Jardin des plantes Coutances
©Jardin des plantes Coutances|Jim Prod
Patrimoine naturel

Arbres remarquables

Pour les amoureux de nature

AU SUJET DES ARBRES ET DE L’INVENTAIRE DU PATRIMOINE ARBORÉ : DANS LE DÉPARTEMENT DE LA MANCHE

LA COMMUNAUTÉ DES ARBRES

Dans le département de la Manche, ils forment une communauté extraordinaire identifiée au fil des inventaires successifs menés par le C|A.U.E de la Manche, en collaboration avec des associations de protection du Patrimoine et de l’Environnement, des professionnels dans le domaine de l’arboriculture, les collectivités et institutions, des élus, des responsables techniques, jardiniers et arboristes des villes et des villages, des femmes et des hommes les observant avec attention et prenant soin d’eux ; propriétaires, voisins, promeneurs… Amis des arbres.

DES ARBRES ET DES LIEUX, DES MILIEUX AUX PAYSAGES

Présents dans les cours d’école, aux abords d’une église ou d’une chapelle, à un carrefour, sur la route d’un village à l’autre, dans un parc, celui d’un château, ou celui d’une ville, sur une petite place ou dans un square aux abords de la mairie, ou encore dans un champ, un jardin, sur le bord d’un chemin creux…. Chacun d’entre eux émerge dans le paysage manchois, contribuant à sa composition. Ils forment le paysage et accompagnent nos vies, nos déplacements, nos respirations. Ce sont des êtres à part bien utiles à chacun d’entre nous, absorbant l’eau du sous-sol et la restituant sous forme de vapeur d’eau, apportant un ombrage, contribuant à limiter l’érosion des terres arables, favorisant la biodiversité par la protection, l’abri et le couvert qu’il apportent à la faune et à la flore. Ces êtres vivants accompagnent nos rêves et contemplations et nous interpellent dans nos actions quotidiennes, de la maison au travail, à l’école, du hameau au village, du centre-bourg à la périphérie… Ils nous saluent au passage et nous étonnent : là des fleurs, là un feuillage pourpre ou persistant, là une écorce lumineuse, ou là encore une fructification généreuse et celui-ci une architecture singulière nous faisant signe, à nous et à d’autres !

 

L’INVENTAIRE DU PATRIMOINE ARBORÉ DU DÉPARTEMENT DE LA MANCHE

L’inventaire du patrimoine arboré accompagné depuis 1998 par le C|A.U.E de la Manche a permis d’identifier 258 ifs parmi lesquels une dizaine d’ifs séculaires, et aussi d’étudier sur le terrain 453 arbres parmi 667 arbres signalés par les habitants et acteurs du territoire, de rencontrer leurs propriétaires et gestionnaires et contribuer à distinguer 115 Arbres remarquables de la Manche en raison de leurs dimensions, de leur âge, de leurs valeurs historiques, sociales, culturelles et paysagères de leur rareté botanique, de leur rôle dans le paysage comme repère, de leur intérêt écologique, leur rôle bioclimatique. Pour l ‘une ou l’autre des raisons ou plusieurs à la fois, ces arbres occupent une place extraordinaire. Et ils nous invitent à observer tous les autres, les arbres d’avenir et les arbres prometteurs qui, dès aujourd’hui , interagissent avec chacun d’entre nous. Prenons soin d’eux et partageons-en la connaissance.

LE PATRIMOINE ARBORÉ DU TERRITOIRE COUTANCES MER & BOCAGE

Grâce à ces actions d’inventaire et à leurs contributeurs, les propriétaires de ces arbres, une quarantaine d’arbres, d’ifs à arbres de différents genres, espèces et variétés, ont été observés dans le détail sur le territoire de Coutances Mer&Bocage. Ces arbres constituent un patrimoine vivant. Ils témoignent d’un contexte et d’une situation dans un paysage. Ils y tiennent un rôle et, par leur présence, en partagent une partie de l’histoire. Ils expriment la rencontre avec un milieu et le fruit du hasard ou d’un projet. Ils étaient là, ils sont là, sous nos yeux, bien vivants et seront encore là, si nous les observons bien. Ils nous accompagnent et apportent protection.

Parmi les arbres de ce territoire entre mer et bocage, certains témoignent du lien avec un lieu, par leur nature et leur histoire, leur adaptation au paysage. Quelques-uns tiennent un rôle pour le paysage et ses composantes, en interaction avec eux. Et enfin, d’autres révèlent une histoire par leurs singularités et les liens qu’ils établissent avec le patrimoine bâti et paysager.

En découvrant ces arbres, veillez à eux et respectez leurs milieux et lieux de vie, leurs habitants. Merci.

Sur le chemin, vous pourrez découvrir un arbre remarquable de France, des arbres remarquables de la Manche et des arbres inventoriés. Une carte vous accompagne dans leur découverte, au fil de circuits de promenade, ou à proximité, l’occasion d’un détour. Les arbres sont intéressants à découvrir pour eux-mêmes et le paysage qu’il partage ! Belle découverte !

DES ARBRES DANS UN PAYSAGE, UN MILIEU

Témoin du lien avec un lieu, par sa nature et son histoire, son adaptation au paysage.

L’if commun (Taxus baccata L.) de l’enclos-village paysage de Nicorps

Par son implantation à l’Ouest du portail occidental, l’if commun protège l’église Saint Corneille de Nicorps des vents venus de la mer. Son architecture en révèle les effets par l’anémomorphose de sa cime. Sa silhouette raconte les vents réguliers la façonnant par l’action sur les rameaux et les tempêtes ayant brisé des charpentières, comme l’ouragan de 1987, et dans une moindre mesure, la tempête de 1999. Cet arbre indique aussi son grand âge, par son architecture, la puissance de son tronc, le déploiement de ses charpentières et les mouvements de son écorce. Cet if exprime discrètement la physiologie de son essence qui, au déploiement de l’architecture de ses branches, associe l’ancrage intérieur de racines aériennes. Si vous le regardez de près, vous observerez ces mouvements à la surface du tronc vers le haut et vers le bas. Ce vieil arbre de Normandie, photographié par Henri-Gadeau de Kerville le 11 juin 1930, apporte sa protection au lieu et à l’édifice, avec la complicité des générations de femmes et d’hommes qui ont pris soin de lui. L’arbre fait corps avec l’édifice, le protégeant des vents, de la pluie et du soleil, face au grand paysage, celui de Coutances dans son bocage.

  • Pour poursuivre sur la découverte de cet arbre

    Gérard de Guérartot, Chevalier et Seigneur de Rumilly donne à l’Evêque de Coutances la moitié de l’église Saint Corneille de Nicorps et son droit de patronage. Il l’abandonne pour le salut de son âme en 1251. Par ailleurs, Enguerrand de Monstrelet, Historien, transcrit l’assaut du « nouveau château de Nicorps tenu par le Capitaine anglais Adam Illeton » pendant la guerre de cent ans, en 1448. Henri de Chavignac, Géologue, repère lors d’un inventaire en 1993 les vestiges d’une motte castrale dans l’actuel enclos paroissial (source : site internet de la commune de Nicorps). Plus tard, des travaux furent engagés au XVème siècle sur l’église : choeur et verrière. Le clocher n’est pas antérieur à cette date, la nef date du XVIème siècle. Chaque siècle a déposé un élément, sans discontinuité jusqu’au XIXème siècle. Henri Gadeau de Kerville, naturaliste et photographe, observe cet if le 11 juin 1930. L’arbre est dans une prairie d’herbes hautes. Aucune sépulture n’émerge. C’est un vieil arbre de Normandie photographié ce jour-là pour cette qualité reconnue régionalement comme l’autre if du cimetière, plus gros. Henri Gadeau de Kerville avait déjà entrepris un premier travail d’inventaire photographique dans le département de la Manche en 1898 et 1899, en complément de celui déjà engagé dans les départements de Seine Maritime, de l’Eure et de l’Orne. Il revient en 1930 pour compléter et partager cette observation dans une publication intitulée « Les vieux arbres de la Normandie – étude botanico-historique ». Lors de ce voyage, il visite les ifs de La Bloutière, Saint Ursin et de La Lucerne d’Outremer figurant aujourd’hui parmi les plus vieux ifs du département de la Manche. Cet if est un individu femelle dont les dimensions en 1930 mesurées par Henri Gadeau de Kerville sont 6,28 m de circonférence, 18,50 m de hauteur. Le 10 novembre 1998, une observation du C|A.U.E de la Manche révèle les dégâts occasionnés par l’ouragan de 1987. L’arbre ayant perdu une importante charpentière, sa hauteur ne dépasse pas 12 m pour une circonférence croissante de 7,15 m. L’analyse comparée des photographies aériennes du 25 juillet 1947 et d’aujourd’hui montrent la régression correspondante du houppier au Nord-Est. Les mesures trahissent néanmoins sa vitalité puisqu’il atteint aujourd’hui 16 m.

Le saule fragile (Salix fragilis L.) en bordure du havre, à Regnéville-sur-Mer

Les Arbres remarquables sont intéressants dans leurs liens avec le paysage comme le saule de Regnéville connu de tous, car à l’interface des herbus et du village de Regnéville-sur-Mer, sur le parking face à la boulangerie et sur le trajet du sentier du littoral. Cet arbre est beau, là dans ce contexte exposé aux vents et aux embruns. Il y est adapté et nous offre le miroir de ses feuilles, tantôt glaise tantôt ciel oscillant. Il est là unique et vertical dans ce paysage qui tend à l’horizon, au-devant du village et de ses maisons.

Les tulipiers de Virginie (Liriodendron tulipier L.) à l’Abbaye d’Hambye

L’eau dicte le fil de vie des arbres d’eau comme les tulipiers de Virginie. C’est l’eau qui a conduit à les introduire aux abords de l’Abbaye d’Hambye. Ces arbres venus d’ailleurs, d’Amérique du Nord, des rives des cours d’eau de l’Arkansas jusqu’au Sud du Canada sont réputés pour apprécier les sols frais et fertiles, toutefois bien drainés. C’est par un jeu de rapprochement, l’essence étant adaptée à ce contexte et s’étant illustrée dans l’histoire de France, dans le parc du château de Versailles, qu’ils ont trouvé place pour délimiter le verger situé entre le bâtiment conventuel, l’église abbatiale et la retenue qui barre un ancien bief de l’Abbaye. Ils apportent l’agrément de leurs feuillages et floraisons au paysage patrimonial de l’abbaye dans la vallée de la Sienne.

  • Pour poursuivre la découverte

    Fondée en 1147 par le seigneur et baron Guillaume Painel, la communauté monastique s’éteint en 1784. Le dernier abbé commanditaire est François, Marie de la Prune-Montbrun. L’abbaye devient bien national en 1790. L’église est vendue en 1810 et sert de carrière de pierres. L’édifice est classé au titre des Monuments Historiques le 12 août 1902. En 1956, les époux Beck achètent une partie des bâtiments. En 1964, les élus du Conseil départemental de la Manche votent l’acquisition du reste de l’abbaye : l’église en ruine, la porterie et la maison des frères convers. En 1640, John Tradescant, botaniste britannique, introduit en Angleterre l’essence venue d’Amérique. L’Amiral de la Galissonnière récolta des graines du tulipier de Virginie et en fit semer au Petit Trianon à Versailles, en 1732. Dès lors, les premiers tulipiers de Virginie plantés dans les parcs et jardins de France sont issus de cette pépinière. Une carte postale des « Ruines de l’Abbaye d’Hambye » révèle la présence, dans un paysage à la sortie de l’hiver, au début du XIXème siècle, dans l’alignement du bâtiment conventuel, un arbre prometteur d’une dizaine d’années. C’est l’un des tulipiers de Virginie, le plus bel arbre observé aujourd’hui. Cinquante ans plus tard, une carte postale du paysage estival de l’Abbaye d’Hambye témoigne de son développement. La plantation de l’alignement de tulipiers de Virginie est à mettre en lien avec le classement au titre des Monuments Historiques des ruines de l’Abbaye. D’autres cartes postales témoignent de plantations nouvelles dans ce lieu comme le double alignement de tilleuls menant à la cour. Après 100 ans d’abandon et de destruction, une restructuration du site s’imposait ! C’est le 10 avril 1925 que la protection au titre des Monuments Historiques est élargie au verger des Moines, à la retenue qui barre la vallée, aux murs d’enceinte et au bief des anciens moulins et ses aménagements hydrauliques après des travaux de remise en état du site : défrichement et plantations ornementales.

Le platane d’Orient (Platanus orientalis L.) du parc du château de Cerisy-la-Salle

L’eau a sans doute conduit Joseph RICHIER, seigneur de Cerisy, à partir de 1756 ou plus tard après 1891, Marguerite MAHOU et Gaston PARIS, à introduire cet arbre dans le paysage du parc du château. Le soin est apporté d’accueillir cet arbre venu d’ailleurs dans le bocage faisant l’écrin du château. Originaire du Proche-Orient, il est habitué des ravins humides et des rives des fleuves. Ici, massif par son tronc, merveilleux par son écorce et son feuillage, ses fructifications, il a trouvé place dans ce paysage d’eau, le surplombant, à flanc de coteau, non pas par hasard, mais avec l’idée de composition du paysage, d’un principe d’harmonie d’un arbre avec un paysage et son patrimoine bâti, d’une symbiose…

  • Pour poursuivre la découverte

    C’est à la suite de son mariage avec Marie-Françoise Elisabeth de l’Isle que Joseph Richier, Seigneur de Cerisy, entreprend d’importants travaux pour moderniser sa demeure : alignement de la façade Nord du château en belvédère sur le vallon du Rabec, confluent de la Soulles, construction de trois ponts de pierre sur les douves sèches creusées lorsque le lieu était encore une place-forte, édification d’une chapelle sur le pont Est. Est-ce à l’occasion de ces métamorphoses que l’arbre venu d’Orient trouve sa place dans le paysage du vallon ? Le cadastre napoléonien figure, en 1827, deux viviers rectangulaires et non la pièce d’eau arrondie comme celle découverte aujourd’hui. Alors est-ce plutôt à l’époque contemporaine de Marguerite Mahou et de Gaston Paris, lors de leurs nombreux séjours après leur mariage en 1891, et à l’occasion de travaux de percements de baies et de réaménagements intérieurs qu’un nouveau regard s’est porté sur ce paysage ? Il aurait été introduit en France depuis le 1er siècle de notre ère, puis en Angleterre au XVIIème siècle. Linné l’a décrit en 1753 et Buffon en introduit plusieurs au Jardin des Plantes de Paris en 1785. Un platane d’Orient dont l’âge est évalué à 500 ans atteint, dans le parc du château Le Kinnor, à Fervaques dans le Calvados, 30 m de hauteur, 36 m d’envergure et 11,89 m de circonférence à 1,30 m du sol. Comme cet arbre, ici, le platane d’Orient est un bel arbre de parc toujours impressionnant par la puissance de son tronc, la voussure de ses branches et son feuillage découpant le ciel. Contemplons-le, lui qui a si bien résisté à la tempête de 1999 alors que cèdres, hêtres, érables, frênes et tilleuls, au total 140 arbres du domaine, étaient abattus.

DES ARBRES, PATRIMOINE VIVANT

Être vivant tenant un rôle pour le paysage et ses composantes, en interaction avec eux.

Le peuplier noir (Populus nigra L.) sur le chemin des Banques à Agon-Coutainville

Les arbres sont connectés aux autres arbres, aux autres végétaux par leurs natures végétales et leurs implantations comme le peuplier noir situé dans un herbage, en bordure d’une charrière. Il est là en raison de la fraîcheur de la prairie, de son sous-sol sablonneux et de l’eau toute proche, en sous-face du sol. Sur la période de végétation, il est une formidable pompe à eau. Il élève sa cime, accueillant les oiseaux, ceux des hauteurs et ceux des buissons, dans le lien avec les haies bocagères clôturant le champ. Car cet arbre dialogue avec son environnement, prêtant son tronc creux d’arbre têtard aux insectes xylophages et aux oiseaux cavernicoles… Il apporte aussi sa protection, son couvert contre la pluie et son ombre contre le soleil aux animaux d’élevage. Seul, il n’est rien, avec eux, il est tout : un peuplier noir emblématique des paysages arrière-littoraux ; une espèce à préserver de toute urgence.

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  • Pour poursuivre la découverte

    Le peuplier noir est une espèce arborescente des espaces alluviaux : marais littoraux, mielles, havres et ripisylves des cours d’eau des espaces arrière-littoraux. C’est l’une des espèces d’arbres les plus menacées en Europe par l’altération des forêts alluviales, le drainage, la régulation des crues et l’imperméabilisation des sols, l’urbanisation, sa surexploitation et son remplacement par des peupliers hybrides à croissance rapide et l’introgression, c’est-à-dire le transfert des gênes, de ceux-ci vers cette espèce. Même fragilisé, il demeure dominant dans ces paysages et dans le cortège des haies ourlant les rives d’un rû, bordant le fossé d’un chemin. Il pousse dans une dépression humide d’une prairie pâturée ou, comme ici, au milieu d’un pré frais à joncs diffus. Il peut atteindre 35 m et vivre 200 à 400 ans. Les photographies aériennes depuis 1947 trahissent sa présence. Peu à peu, comme le paysage l’environnant, il se métamorphose : du paysage maritime au paysage balnéaire, de l’arbre têtard, c’est-à-dire taillé en tête pour produire du bois de chauffe, à l’arbre de plein-champ.

Le chêne (Quercus rober L.) le long de la voie ferrée, à Orval

Cet arbre monumental est là, entre deux choses, entre la voie ferrée et un lotissement du bourg d’Orval. Lui a été déconnecté par l’aménagement du territoire. Tout lui a tourné le dos, l’enclavant, et depuis bien longtemps. Mais c’était oublier le point de vue depuis le train ! Son tronc est si gros qu’il a presque rejoint le talus de l’autre côté de ce qui devait être autrefois un petit chemin. L’histoire ne s’arrête pas là ! Ce chêne servait de repère (c’est dire s’il était déjà bien gros) aux mécaniciens des trains lorsqu’ils étaient encore à traction vapeur. Lorsqu’ils l’apercevaient, ils mettaient les gaz pour franchir la côte vers Saint-Lô ! C’est un arbre extraordinaire, un très vieil arbre qui n’a pas dit son dernier mot. Prenons soin de lui.

  • Pour poursuivre la découverte

    C’est l’histoire d’un chêne qui poussait au bout d’un petit chemin, celui du hameau des Maisonnettes à Orval. Les Maisonnettes : ce sont deux constructions et leurs jardins figurant sur le cadastre napoléonien relevé en 1826, avant la construction de la ligne de chemin de fer entre Saint-Lô et Coutances. Ce hameau est situé à mi-chemin entre le manoir des Bouillons et le bourg d’Orval. La maman de l’actuel propriétaire l’a bien connu ce chêne. C’est normal, il est très ancien. Le pré où se trouve le chêne aujourd’hui s’appelait le pré au chêne. Il était peut-être même au bout du petit chemin, à l’entrée du champ. Aujourd’hui, il n’y a plus de maisonnettes, ni de petits jardins. C’est un herbage qui borde la ligne de chemin de fer, après la descente et avant le grand virage qui aborde la gare de Coutances. La construction de la ligne de chemin de fer a supprimé les maisonnettes et le chêne est resté seul, enclavé, car le chemin qui desservait les maisonnettes entre le manoir des Bouillons et Orval a été coupé.

Les ifs (Taxus baccata L.) de l’enclos-village de Montcuit et ceux du calvaire de Courcy

Une fois l’enclos du cimetière franchi, après le tourniquet en bois peint, le regard glisse vers le porche de l’église Saint-Martin situé un peu plus bas, sous la frondaison des thuyas géants et d’un if prometteur. Au passage, le regard s’accroche à cet arbre massif et à son tronc élevé. Il s’élève vers sa couronne ramifiée. Il règne, en ce lieu, une ambiance forestière comme une protection. L’if en est le cœur. Il s’élève et s’étire, très régulier, frôlant, à son extrémité Sud-Est, la tour-clocher de l’église. Cet arbre nous fait le signe des forêts dont l’essence est originaire. Il nous rappelle aussi que ces arbres ont trouvé place dans les paysages au fil des rites funéraires païens du peuple celte. Ils confiaient à cet arbre le soin du passage de la vie à la mort. Il protégeait les sépultures puis a accueilli les chapelles chrétiennes nouvellement bâties au Moyen-Âge. Ces arbres sont compagnons des paysages et des hommes.

  • Pour poursuivre la découverte

    D’après les notes historiques et archéologiques de M. Rénault en 1856 (Annuaire du Département de la Manche – volume 28)  « Il existe dans le cimetière, un très bel if, fort ancien et plus élevé que la tour. Il a une circonférence de sept mètres et cinquante centimètres. Cet if séculaire couvre de son ombrage les restes de ceux qui reposent dans le cimetière. Il semble même vouloir protéger l’humble maison de Dieu près de laquelle il est planté et abriter une croix en pierre très ancienne qui, d’un côté, présente une image informe du Christ, et de l’autre une petite niche vide, destinée sans doute à recevoir une statue de la Vierge. »  Si le chœur est bâti 2 ans avant la visite de M. Rénault, et la nef d’une construction « toute moderne » selon ses propos, la tour-clocher est datée du 13ème – 14ème siècle. M. Rénault, dès cette époque, présente cet if comme élément significatif du paysage de l’enclos-village. L’église Saint-Martin abrite une statue de Saint Claude datant du 15ème siècle et fait l’objet d’une dévotion, étant invoquée pour la guérison des méningites et des maux de tête

DES ARBRES REPÈRES ET SIGNES D’UNE HISTOIRE DU TERRITOIRE

Repère et signe, il révèle une histoire par ses singularités et les liens qu’il établit avec le patrimoine bâti et paysager.

Le chêne vert (Quercus ilex L.) du parc du manoir d’Heugueville-sur-Sienne

Ces arbres venus d’ailleurs s’adaptent et font partie du paysage manchois. Ils coexistent avec eux depuis des centaines d’années comme ce chêne vert à Heugueville-sur-Sienne, sur le rebord du coteau bordant la vallée du fleuve côtier. Sa couronne forme une voûte au-dessus de la petite route de campagne. Il déploie ses charpentières puissantes et forme un houppier ample et étalé. Cet arbre est majestueux. Le découvrir est extraordinaire et le voir si bien adapté, s’y multipliant par ses semis rassure sur les relais possibles de cette espèce, renouvelant la palette des arbres au regard des évolutions du climat.

  • Pour poursuivre la découverte

    Jean-Jacques Quesnel-Morinière, connétable du roi et riche coutançais sous la Monarchie de Juillet, est propriétaire du Manoir d’Heugueville-sur-Sienne, du châtau de la Mare et de l’ensemble formé aujourd’hui par le Musée Quesnel Morinière et le Jardin des plantes à Coutances. Il entreprit de nombreuses plantations dans ces différents lieux, et en particulier dans le parc du Manoir où il séjournait avec sa famille les mois d’été. Il passa commande d’arbres et de plantes auprès d’une pépinière orléanaise (Pépinière Transon – Gambault et Dauvesse, Rue dauphiné, Orléans). Il fut livré à Coutances, rue Saint-Nicolas, le 27 février 1842, six paquets et un panier d’arbres et de plantes dont 700 pieds de chênes verts. Le tout pesait 450 kg et devait être acheminé en moins de 11 jours en précisant que le voiturier demeurait « responsable des avaries causées par le hâle et la gelée, à compter du 4ème jour après le délai qui lui était accordé ». Tous ces arbres ont été plantés dans chacune des propriétés et un certain nombre d’entre eux occupent une place importante de leurs paysages.

Le chêne vert (Quercus ilex L.) au carrefour des rues des docteurs Dudouyt et du Palais de Justice

Peut-être est-il lui aussi l’un des 700 pieds de chênes verts commandés par Jean-Jacques Quesnel-Morinière (voir Pour poursuivre… les chênes verts du manoir d’Heugueville-sur-Sienne) ? Cet arbre était présent dans un jardin. Beaucoup de choses ont vacillé autour de lui lors des bombardements de la Libération, depuis la ville aura été reconstruite et lui, toujours, sur le passage et dans le carrefour, repère dans la ville !

DES ARBRES REPÈRES ET SIGNES D’UNE HISTOIRE DU TERRITOIRE

Repère et signe, il révèle une histoire par ses singularités et les liens qu’il établit avec le patrimoine bâti et paysager.

Le chêne vert (Quercus ilex L.) dans le jardin des plantes

C’est l’un des 700 pieds commandés par Jean-Jacques Quesnel-Morinière à la pépinière Transon – Gambault et Dauvesse et livrés le 27 février 1842 (voir Pour poursuivre… les chênes verts du manoir d’Heugueville-sur-Sienne). Jean-Jacques Quesnel-Morinière était en effet propriétaire du lieu, avant qu’il ne le confie à la ville pour qu’il devienne un jardin des plantes et le lieu que nous découvrons aujourd’hui. Cet arbre a les traits du chêne du parc du manoir d’Heugueville-sur-Sienne. Lui aussi forme une voûte au-dessus de l’allée, puissant et protecteur pour le lieu et les promenades.

Les autres arbres du jardin des plantes de Coutances

Joseph TOUSSAINT, prêtre et écrivain de la Manche, écrivait au sujet des arbres du jardin des plantes de Coutances « La voix grave des arbres puissants et vénérables y mène les chants de fond, y soutient, d’un souffle prolongé, les durables points d’orgue. Ils sont depuis les origines du jardin, et peut-être même certains remontent aux Poupinel…:… Leurs troncs massifs, leur épaisse ramure, leur hauteur trahissent leur âge avancé. Ce sont les géants et les rois du domaine, les solistes barytons et basses de ce choral. »

Le cèdre du liban (Cedrus libani L.)

Cet arbre majestueux faisant l’objet de toutes les attentions est un vieil arbre, dont la présence dans le lieu est antérieure à la conception du parc de 1853 à 1854 par Adèle Sébastien Minel, aquarelliste. En effet, un état des lieux réalisé en 1854 indique l’existence, avant les travaux, de deux cèdres du Liban et d’arbres verts, sans doute les chênes verts commandés par Quesnel-Morinière en 1842. L’autre cèdre a disparu depuis. Et ce cèdre appartenant au lieu depuis longtemps est le témoin de l’histoire du lieu, des histoires qui s’y lient, des rencontres, des pauses le temps d’un déjeuner, des flâneries et promenades émerveillées, des fêtes, des oiseaux qui se perchent sur ses charpentières ! Le découvrir dans le paysage du parc est toujours merveilleux et rassurant, tant cet arbre est protecteur.

  • Pour poursuivre la découverte

    Depuis le XVIIème s., des jardins articulent l’hôtel particulier avec le paysage de la vallée du Bulsard, étageant les parterres, les vergers, les herbages et les potagers sous la composition même d’un vertugadin. En 1816, le chevalier d’Ouessey reconstitue l’unité du lieu. En 1823, Jean-Jacques Quesnel-Morinière, connétable du Roi, riche coutançais sous la monarchie de Juillet, l’acquiert puis le lègue de son vivant à la ville, en 1850, sous la condition d’un jardin de plantes utiles ouvert aux habitants et aux plus nécessiteux. De 1853 à 1854, Adèle Sébastien Minel, officier du génie maritime à la retraite et aquarelliste compose, à la demande de la municipalité, un paysage pittoresque de trois terrasses à l’italienne. Il trace deux allées perpendiculaires et creuse deux bassins encadrant la perspective et l’étagement du jardin vers la vallée du Bulsard. C’est à cette époque que des futaies sont probablement plantées sur le versant opposé des Vignettes. Une obélisque est élevée, sur la terrasse intermédiaire, en mémoire de Jean-Jacques Quesnel-Morinière.

DES ARBRES REPÈRES ET SIGNES D’UNE HISTOIRE DU TERRITOIRE

Repère et signe, il révèle une histoire par ses singularités et les liens qu’il établit avec le patrimoine bâti et paysager.

Les tulipiers de Virginie (Liriodendron tulipifera L.) du jardin des plantes de Coutances

Pour poursuivre… Depuis ces arbres et leur essence ont très certainement trouvé place dans le paysage du jardin des plantes de Coutances sous le pinceau d’Adèle Sébastien Minel (voir Pour poursuivre… Le cèdre du liban du jardin des plantes de Coutances), aquarelliste voulant apporter à sa composition les couleurs automnales de cette essence, son feuillage jaune d’or ainsi que la présence et l’imposante architecture de ces arbres venus de l’état de Virginie, aux États Unis. Cette essence est introduite dans les parcs et jardins en France, dès le début du XVIIème siècle, et notamment au Petit Trianon, à Versailles en 1771.

Un arbre peu commun dans un jardin, à la campagne

Le sophora pleureur (Sophora japonica ‘Pendula’ Loud.) dans un jardin, à Agon-Coutainville

Ce petit arbre est étonnant, là dans le paysage de ce jardin. Il est de belle venue et naturellement mystérieux. Ses dimensions ne sont pas celles du Sophora du Japon pleureur d’Arnouville dans le Val d’Oise (3,40m à 1m du sol contre, pour cet arbre, à 1,30m du sol 1,16m). Néanmoins, il est rare d’en rencontrer d’aussi beaux dans le département, dans un jardin de campagne ! Quel érudit l’a introduit au milieu de ce qui était un jardin potager, au centre des carrés ? Un jardinier du jardin des plantes de Coutances ? Un membre de la Société d’Horticulture, un amoureux des arbres ? Quelle rencontre l’a planté ici ?! Est-ce l’émerveillement d’en avoir découvert un dans un parc ou la curiosité conduisant à l’acheter à l’occasion d’une foire agricole auxquels participaient les nombreux pépiniéristes de ce territoire ? Est-ce un ami jardinier qui l’aurait offert ? Il est là depuis une centaine d’années, dans la composition du jardin. Le cadastre napoléonien figure une autre organisation du lieu et du bâti en 1830. C’est peut-être à l’occasion d’un remaniement postérieur à cette date que cet arbre y trouva place ? Regardez-le et il vous rendra heureux pour tout ce qu’il raconte !

  • Pour poursuivre la découverte

    Robert Fortune, botaniste et voyageur britannique, observa cette essence pour la première fois en 1853 et la décrit dans son ouvrage « A residence among the Chinese » à Shangaï, dans un jardin clos de hauts murs. Il le compare d’ailleurs au frêne pleureur, notant qu’il est, comme lui, greffé en tête. La morphologie de cet arbre à Agon-Coutainville est caractéristique de l’essence, en cascade, à partir de charpentières principales tortueuses s’élevant du point de greffe, en haut du tronc. Cet arbre pourrait être un rêve ! Il est une cabane, un abri et un être à part entière ! Une excellente essence à introduire dans un petit jardin !

Pour les amoureux de nature

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